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LA FIÈVRE D’OR.

traire, de m’être laissé entraîner à te révéler ce secret que j’avais juré d’ensevelir éternellement dans mon cœur. Hélas ! nous avons tous, dans ce monde, notre croix à porter ; la mienne a été rude, Dieu l’a, sans doute, voulu ainsi, parce que je suis fort, ajouta-t-il en essayant de sourire. Mais revenons à toi. C’est vrai, la jeunesse s’est envolée loin de nous avec ses gais horizons et ses riantes illusions ; la vie n’a plus à nous offrir que les pénibles épreuves de l’âge mûr ; autant que toi je suis fatigué de l’existence, autant que toi elle me pèse. Tu le vois, mon ami, j’abonde dans ton sens, non-seulement je ne t’empêcherai pas de mourir, mais je veux encore accomplir ma promesse jusqu’au bout en te suivant dans la tombe.

— Toi, Valentin, oh ! non, c’est impossible.

— Pourquoi donc ? notre position n’est-elle pas la même ; tous deux n’avons-nous pas également souffert ? Créancier implacable, tu viens me demander de faire honneur à ma signature ; fort bien, mais à une condition…

Louis connaissait trop bien le caractère ferme et résolu de son frère de lait pour essayer de combattre sa volonté.

— Laquelle ? répondit-il simplement.

— Je choisirai le genre de mort.

— Soit.

— Oh ! permets-moi, Louis ; ce n’est pas un suicide ordinaire que je prépare ; ainsi, il me faut ta parole de gentilhomme avant que je m’explique plus clairement.

— Je te la donne.

— Bien. Il y a pour l’homme dans le monde deux