choses difficiles : savoir arranger sa vie, et savoir arranger sa mort. L’homme qui se tue froidement en se brûlant la cervelle, tout seul dans sa chambre, après avoir écrit à ses amis pour leur annoncer son suicide, est un lâche ou un fou. Ce n’est pas de ce suicide-là que je veux, il ne signifie rien, ne prouve rien et ne sert à rien. Mais il est un genre de suicide que j’ai toujours rêvé parce qu’il est noble et grand : c’est celui de l’homme qui, ne pouvant ou ne voulant plus rien faire d’une vie qu’il méprise, la sacrifie à ses semblables, sans autre but que celui de leur être utile, et tombe après avoir accompli sa tâche.
— Je crois te comprendre, Valentin.
— Peut-être ; laisse-moi terminer. Nous sommes dans le pays le mieux préparé pour un tel but : déjà plusieurs tentatives, malheureuses à la vérité, ont était faites, notamment par le comte de Lhorailles, dans sa colonie de Guetzalli[1] ; la Sonora, qui est la plus riche contrée du monde, râle et achève de mourir sous le système avilissant et inintelligent du gouvernement mexicain. Eh bien ! rendons la vie à ce pays ; galvanisons-le, appelons à nous l’émigration française de Californie, et venons ici rendre la liberté à un peuple dont le caractère énergique nous comprendra. Que risquons-nous en cas de non succès ? la mort ? Eh ! mais c’est justement elle que nous désirons. Au moins, lorsque nous serons tombés, nous dormirons ensevelis dans notre gloire, en martyrs, emportant les regrets et les sympathies
- ↑ Voir la grande Flibuste, 1 vol. in-12, chez Amyot, éditeur, 8, rue de la Paix, à Paris.