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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/234

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LA FIÈVRE D’OR.

— Comment ! s’écria Louis en se levant précipitamment, tu as fait cela, frère ?

— Parfaitement.

— Mais tu risquais d’être assassiné à chaque pas !

— Je le savais, mais je savais aussi qu’il te fallait absolument une forte somme.

— Oh ! frère ! frère ! s’écria Louis avec émotion ; tant de dévouement, tandis que moi, je t’accusais !

— Tu ignorais ce que je faisais, tu avais raison.

— Oh ! je ne me le pardonnerai jamais.

— Laisse donc ! Ne nous sommes-nous pas juré une fois pour toutes d’être entièrement l’un à l’autre ?

— C’est vrai. Oh ! tu as noblement tenu ton serment, partout et toujours, frère.

— Et toi ! n’as-tu pas fait de même ? d’ailleurs, cette fois, l’idée ne m’appartient pas, je n’ai fait que suivre les conseils du chef.

— Oh ! lui, il est comme toi ; on ne peut rien lui dire, il se fâcherait.

Curumilla quitta un instant son calumet, se leva, et, s’approchant du comte, il lui posa la main sur l’épaule, et le regardant avec une expression indéfinissable en touchant tour à tour la poitrine des deux Français et la sienne :

— Koutonepi, dit-il d’une voix émue, Louis, Curumilla, trois frères, un cœur.

Et il se rassit.

Il y eut un long silence ; les deux blancs admiraient malgré eux le dévouement et l’abnégation de ce brave Indien, qui ne vivait que pour eux et par eux, et ils se demandaient intérieurement si, malgré la vive amitié qu’ils lui portaient, ils étaient réellement dignes d’un aussi profond attachement.