Il fit en chancelant quelques pas pour se rapprocher du colonel.
— Je suis à vos ordres, caballero, dit-il en baissant humblement la tête, parlez, que faut-il faire ?
— Bien ! reprit celui-ci, vous voici enfin raisonnable ; vous êtes beaucoup mieux ainsi. Faites donner la provende à mes chevaux et aidez mes domestiques à me servir.
— Pardon, caballero, reprit le huesped, me permettrez-vous de vous dire deux mots ?
Le colonel sourit avec dédain.
— À quoi bon ? je les sais, et je vais vous les dire moi-même : vous me voulez avertir que, contraint de plier sous une force supérieure, vous vous rendez, mais que vous vous vengerez à la prochaine occasion, n’est-ce pas ?
— Oui, murmura-t-il d’une voix creuse.
— Eh bien ! à votre aise, mon hôte, faites ; seulement, prenez bien vos précautions, car si vous me manquez, je vous avertis que moi, je ne vous manquerai pas. Maintenant servez-moi, et surtout hâtez-vous.
Et haussant les épaules avec dédain, le colonel lui tourna le dos en ricanant.
L’hôtelier le regarda s’éloigner avec une expression haineuse qui donna à sa physionomie quelque chose de hideux ; puis lorsqu’il vit le colonel hors de la cour, il secoua la tête deux ou trois fois en murmurant à demi-voix :
— Oui, je me vengerai, démon, et plus tôt que tu ne le supposes.
Après cet aparté, il composa son visage et s’occupa du soin de sa maison avec une activité et une