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LA FIÈVRE D’OR.

— Voyez ! ajouta-t-il en montrant ses compagnons d’un geste narquois, quelle imposante collection d’honnêtes gens nous rendrons sous nos auspices à la circulation ? ne sera-ce pas magniifique, après avoir si longtemps détroussé les particuliers, de devenir tout à coup les défenseurs des peuples au préjudice des gouvernements ?

— Oui, fit el Buitre d’un ton pensif ; j’avais toujours rêvé…

— D’exercer votre métier en grand, n’est-ce pas ? interrompit l’autre. Vous aviez raison ; il n’y a rien de tel que de bien faire les choses, si l’on veut être considéré. Eh bien ! soyez tranquille, je vous procurerai ce plaisir : au moins, si la chance vous abandonne, vous aurez l’avantage d’être fusillé au lieu d’être pendu ou garotté (étranglé), ce qui est une consolation.

— Oui, fit vivement el Buitre, de cette façon on meurt en gentleman.

— Et l’on n’est pas déshonoré, c’est convenu. Ah ! les flibustiers étaient jadis d’heureux gaillards, ils conquéraient des empires et passaient à la postérité, les exploits du héros faisant facilement oublier les crimes du bandit.

— Ne serez-vous donc jamais sérieux ?

— Je ne le suis que trop, au contraire, puisque, vous le voyez, sans que vous m’ayez fait aucune confidence, j’abonde si complétement dans votre sens, et je vous prépare une place à côté des Cortez, des Almagro et des Pizarres, dont la gloire, depuis si longtemps, vous empêche de dormir.

— Vous pouvez railler, Redblood, dit le salteador avec un accent profondément ému ; mais si,