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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/51

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LA FIÈVRE D’OR.

l’hôtellerie et à se disperser dans diverses directions.

Le señor Saccaplata, le visage pâle, les sourcils froncés et la tête enveloppée de bandes et de compresses, se promenait de long en large dans le patio, les bras derrière le dos, levant de temps en temps les yeux d’un air de mauvais humeur vers la fenêtre du colonel, tout en grommelant à voix basse.

— Corps du Christ ! est-ce qu’il ne se décidera pas bientôt à partir, ce pimpant colonel, si leste à faire donner la bastonnade aux pauvres gens ? Mais il aura beau faire, il n’échappera pas au sort qui l’attend.

En ce moment, un homme parut dans le patio en raclant une jarana (guitare) et chantant à demi-voix :

No sabe donde mirar,
De todo teme y rezela,
Si al cielo teme su furia
Porque hizo al cielo ofensa.

[1]


Ces vers, tirés de la romance du roi Rodrigue, bien que chantés peut-être sans intention maligne, se rapportaient cependant si bien à la position présente de l’hôtelier, qu’il se retourna tout effarouché du côté du malencontreux chanteur en l’apostrophant brutalement de sa voix la plus rauque.

  1. Il ne sait où regarder,
    Il redoute ou se méfie de tout.
    S’il a peur de la colère du ciel,
    Pourquoi l’offensa-t’il ?