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LA FIÈVRE D’OR.

épouvantable pêle-mêle, dans cette effroyable course aux placeres, se vautraient les truands et les gentilshommes, les soldats et les prêtres, les diplomates et les médecins, tous courant, hurlant, se bousculant, jouant du poignard ou du revolver, n’ayant plus qu’une idée, qu’un instinct, qu’une passion, l’or.

Pour de l’or ces gens eussent tout vendu : conscience, honneur, probité, tout, jusqu’à eux-mêmes !

Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur cette période inouïe, pendant laquelle la Californie sortit du néant pour venir enfin, après dix ans de luttes terribles, prendre rang parmi les peuples civilisés. D’autres plumes bien autrement éloquentes que la nôtre ont entrepris la rude tâche de nous faire l’histoire de ces péripéties saisissantes.

Nous nous bornerons à constater qu’à l’époque où se passa l’histoire que nous nous proposons de raconter, l’or venait à peine d’être découvert et la Californie se débattait convulsivement sous le coup de son plus fort accès de delirium tremens.

C’était environs trois ans après les événements que nous avons rapportés dans notre précédent chapitre.

Dans la sierra Nevada, sur les versants pittoresques qui descendent graduellement jusqu’à la mer, au sein d’une immense forêt vierge, à cent lieues de San-Francisco, entre cette dernière ville et los Angeles, la chaleur avait été étouffante pendant le jour ; au coucher du soleil, la brise de mer s’était élevée et avait un peu rafraîchi l’atmosphère. Cependant la brise était tombée presque aussitôt, et