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LA FIÈVRE D’OR.

désespéré. Quel qu’il soit, je veux voir l’homme qui vient à son insu de me donner quelques instants d’une si douce émotion ; serait-ce le diable en personne, je lui serrerai la main avant que les dernières mesures de l’air aient fini de vibrer à travers les cordes de sa jarana.

Et sans plus délibérer, Valentin, après avoir fait signe à Curumilla de le suivre, entra résolument dans le cercle de lumière.

Au bruit du pas des chevaux, par un mouvement prompt comme la pensée, l’inconnu rejeta sa jarana derrière son dos, et il se trouva debout, un sabre de la main droite et un revolver de la main gauche.

— Holà ! cria-t-il résolument, arrêtez-vous, s’il vous plaît, caballero, ou bien je fais feu.

— Gardez-vous-en bien, señor, répondit Valentin, qui jugea cependant prudent d’obéir à l’ordre qui lui était donné, vous risqueriez de tuer un ami, et ils sont assez rares au désert pour que, lorsque par hasard on en rencontre, on ne les reçoive pas le pistolet au poing.

— Hum ! je souhaite que vous disiez vrai, caballero, reprit l’autre toujours sur la défensive ; cependant je vous serai obligé de m’expliquer en deux mots qui vous êtes et ce que vous cherchez, avant que la connaissance devienne plus intime entre nous.

— Qu’à cela ne tienne, caballero ; je ne vois aucun inconvénient à satisfaire votre désir d’autant plus que la prudence est une des vertus théologales recommandées dans les régions où nous nous trouvons.

— Vive Dieu ! vous me faites l’effet d’être un bon