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Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/82

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LA FIÈVRE D’OR.

ragement, te voilà, Valentin ; mais maintenant, hélas ! il est trop tard. Tout est mort en moi désormais : foi, espoir, courage ; il ne me reste plus rien, rien que le désir de me coucher enfin dans le sépulcre où sont enfouies toutes mes croyances et tout mon bonheur disparu, hélas ! à jamais.

Valentin demeura muet pendant quelques minutes, couvrant son ami d’un regard à la fois doux et sévère ; un flot de souvenirs monta au cœur du chasseur, deux larmes brillantes s’échappèrent de ses yeux et coulèrent lentement sur ses joues brunies.

Puis, peu à peu, sans effort apparent, il attira à lui le comte, appuya sa tête sur sa large et loyale poitrine, et le baisant au front :

— Tu as donc bien souffert, mon pauvre Louis, lui dit-il avec tendresse. Hélas ! hélas ! je n’étais pas là pour te soutenir et te protéger ; mais, ajouta-t-il en dirigeant vers le ciel un regard d’amère tristesse et de résignation sublime, moi aussi, Louis, moi aussi, au fond de ces déserts, où j’avais cherché un refuge, j’ai enduré de cuisantes douleurs ; bien des fois je me suis senti étreindre par le désespoir ; souvent mes tempes se sont serrées sous la pression de la folie furieuse qui envahissait mon cerveau, mon cœur s’est brisé au choc des angoisses terribles dont j’étais abreuvé, et pourtant, frère, ajouta-t-il d’une voix douce et remplie d’une mélodie ineffable, pourtant je vis, je lutte et j’espère ! dit-il si bas que ce fut à peine si le comte put l’entendre.

— Oh ! que béni soit le hasard qui nous rassemble enfin, lorsque je désespérais de te revoir, Valentin ?