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LA FIÈVRE D’OR.

qu’on tient une de ces vipères sous le talon, il faut l’écraser, de crainte qu’elle ne se redresse plus tard.

— Non, reprit résolûment le comte, je ne consentirai jamais à voir assassiner un homme devant moi ! Ce pauvre misérable a agi selon sa nature ; agissons, nous, selon la nôtre. Curumilla, Je vous en prie, laissez à votre prisonnier la faculté de se relever ; seulement, surveillez-le, afin qu’il ne s’échappe pas.

— Tu as tort, frère, répondit l’implacable chasseur, tu ne connais pas aussi bien que moi ces démons ; cependant fais à ta guise, plus tard tu reconnaîtras que tu as commis une folie.

Le comte ne répondit pas, seulement il réitéra d’un geste à Curumilla l’injonction de faire ce qu’il lui ordonnait.

L’Araucan obéit avec répugnance ; cependant il aida son prisonnier, à demi suffoqué à se relever, et tout en le surveillant avec soin, il le conduisit auprès du feu, où les chasseurs l’avaient déjà précédé.

Le comte examina l’Indien d’un regard rapide.

C’était un homme d’une taille herculéenne, vigoureusement charpenté. Jeune encore, aux traits hautains, sombres et cruels ; bref, bien que son extérieur fût celui d’un individu plutôt beau que laid, il y avait dans toutes ses manières une expression de fourberie, de bassesse et de férocité qui ne prévenait nullement en sa faveur.

Il portait une espèce de blouse de chasse sans manches, en calicot rayé et serrée aux hanches par un large ceinturon de cuir de daim non tanné ; des