Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’arme trouvée si inopinément était un couteau à scalper, dont la lame était encore maculée de larges plaques sanglantes.

Nous savons comment ce couteau avait été placé sur la poitrine du Tigrero.

— Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria-t-il en agitant l’arme avec colère.

La Tête-d’Aigle s’en saisit et l’examina attentivement.

— Ooah ! fit-il avec étonnement, l’Ours-Noir s’est introduit parmi nous pendant notre sommeil.

Les chasseurs ne purent réprimer un mouvement d’effroi.

— Ce n’est pas possible ! observa Belhumeur.

L’Indien secoua la tête, et montrant l’arme :

— Voilà, continua-t-il, le couteau à scalper du chef apache, le totem de la tribu est gravé sur le manche.

— C’est vrai !

— L’Ours-Noir est un chef renommé ; son cœur est grand à contenir un monde. Contraint de remplir les engagements qu’il a pris, il a voulu prouver à son ennemi qu’il était maître de sa vie, et que, lorsque cela lui conviendrait, il saurait la lui ravir ; voilà ce que signifie ce couteau placé pendant son sommeil sur la poitrine du Yori — Espagnol. —

Les aventuriers étaient confondus de tant d’audace ; ils frémissaient en songeant qu’ils avaient été à la merci du chef, qui avait dédaigné de les tuer et s’était contenté de les défier ; le Mexicain surtout, malgré son courage, se sentait frissonner à cette pensée.