Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/200

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Le comte, don Sylva et les autres habitants suivirent du regard le petit détachement avec un intérêt facile à comprendre, prêts à le soutenir s’il était attaqué.

Mais rien ne bougea dans la prairie : le calme et le silence continuèrent à régner, et bientôt les Mexicains disparurent au milieu des hautes herbes.

— Je ne comprends rien à la tactique des Indiens, murmura don Sylva d’un air rêveur. Pour avoir laissé passer aussi tranquillement cette troupe, il faut qu’ils machinent quelque fourberie qui leur offre une grande chance de réussite.

— Nous saurons bientôt à quoi nous en tenir, répondit le comte ; du reste, nous sommes prêts à les recevoir ; je suis seulement désolé que doña Anita se trouve ici, non pas qu’elle coure le moindre danger, mais le bruit du combat l’effraiera.

— Non, seigneur comte, dit doña Anita, qui sortait de la maison en ce moment ; ne craignez rien de pareil de ma part : je suis une vraie Mexicaine et non une de vos petites maîtresses européennes que la moindre chose fait évanouir ou tomber en défaillance. Souvent, dans des circonstances plus graves encore que celle-ci, j’ai entendu résonner à mon oreille le cri de guerre des Apaches sans cependant éprouver cette grande inquiétude que vous semblez aujourd’hui redouter pour moi.

Après avoir prononcé ces paroles avec cet accent hautain et profondément méprisant que les femmes savent si bien employer vis-à-vis de l’homme qu’elles n’aiment pas, doña Anita passa devant le comte sans lui jeter un regard et alla prendre le bras de son père.