Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/202

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Lorsque le comte de Prébois Crancé était venu à l’hacienda, cette visite avait fort intrigué la jeune fille ; après le départ du Français, elle demanda d’un air indifférent au capataz des renseignements que celui-ci ne vit aucun inconvénient à lui donner, d’autant plus que, bientôt, chacun devait, dans la colonie, connaître les nouvelles apportées par le comte ; seulement, ce que personne ne pouvait savoir, et ce que doña Anita devina avec cet instinct du cœur, qui ne trompe jamais, ce fut la présence du Tigrero parmi les chasseurs embusqués aux environs de l’hacienda.

En se séparant d’elle à Guaymas, don Martial lui avait dit qu’il veillerait constamment sur elle et saurait la soustaire au sort dont on la menaçait ; d’après cela, il était évident qu’il devait l’avoir suivie ; s’il l’avait suivie, comme elle n’en doutait pas, il devait incontestablement faire partie des hommes de cœur qui, en ce moment, se dévouaient à son salut, tout en cherchant à sauver la colonie,

La logique du cœur est la seule qui soit positive et ne se trompe jamais ; nous avons vu que doña Anita, éclairée par la passion, avait raisonné juste.

Lorsque la jeune fille eut obtenu du capataz tous les renseignements qu’elle désirait :

— Don Blas, lui dit-elle, il est probable que si la colonie est attaquée, après les services que vous aurez été à même de nous rendre, et lorsque mon père et don Gaetano n’auront plus besoin de vous et de vos hommes ici, vous recevrez l’ordre de retourner à Guaymas ?

— C’est probable, oui, señorita, répondit le brave homme.