Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/215

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sur le fleuve on voyait les silhouettes des bêtes fauves qui nageaient vigoureusement pour atteindre l’autre rive. Évidemment il se passait quelque chose d’extraordinaire.

Par intervalles, des crépitements secs et des pétillements, suivis de mugissements sourds comme ceux d’une eau qui monte, s’élevaient dans le silence, et d’instants en instants devenaient plus intenses.

À l’extrême limite de l’horizon, une large bande d’un rouge sanglant, s’élargissant de minute en minute, répandait sur le paysage une lueur de pourpre et d’or qui lui donnait une apparence fantastique.

Déjà, à deux reprises différentes, d’énormes nuages de fumée, pailletés d’étincelles, avaient passé en tourbillonnant au-dessus de la tête des deux hommes.

— Ah ça ! que se passe-t-il donc ? s’écria tout à coup le lepero ; voyez donc nos chevaux, don Martial.

En effet, les nobles bêtes, le cou allongé, les oreilles couchées, aspiraient l’air avec force, frappant du pied et cherchant à échapper à leurs cavaliers.

— Ce qu’ils ont, capista ! répondit tranquillement le Tigrero, ils sentent le feu, voilà tout.

— Comment, le feu ! vous croyez que le feu est à la prairie ?

— Je ne le crois pas, j’en suis sûr ; il ne tient qu’à vous de le voir comme moi.

— Hum ! qu’est-ce que cela signifie ?

— Pas grand’chose, c’est une des ruses habi-