Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/222

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mieux ! plus on se battra là-bas, moins on fera attention à nous ici ; avançons toujours.

Du côté de l’isthme, on entendait le bruit du combat qui, à chaque instant, devenait plus fort.

Les deux aventuriers, perdus dans l’ombre, pagayaient silencieusement, s’approchant insensiblement de l’hacienda.

Don Martial jeta un regard interrogateur autour de lui : tout était silencieux dans cette partie du fleuve, éloigné à peine d’une demi-portée de pistolet de l’hacienda. Rien ne donnait à supposer qu’on les eût aperçus.

Le Tigrero se pencha sur son compagnon.

— Assez, lui dit-il à voix basse, nous sommes arrivés.

— Comment ! arrivés, répéta le lepero d’un air effaré, nous sommes encore loin !

— Non ; à l’endroit où nous nous trouvons, quoi qu’il arrive, vous n’avez rien à redouter de qui que ce soit ; restez dans la pirogue, amarrez-la contre une des souches qui vous entourent, et attendez-moi.

— Mais vous ?

— Moi, je vais vous quitter pour une heure ou deux ; surtout, veillez avec soin. Si vous aperceviez quelque chose de nouveau, vous imiteriez le cri de la poule d’eau à deux reprises différentes ; vous me comprenez ?

— Parfaitement. Mais si un danger sérieux nous menaçait, que devrais-je faire ?

Le Tigrero réfléchît un instant.

— Quel danger peut vous menacer ici ? dit-il.