Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/240

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— Oui, répondit l’Apache.

Cucharès, avec le plus beau sang-froid du monde, imita alors le cri de la poule d’eau.

— Silence ! s’écria l’Ours-Noir, ce n’est pas cela.

— Pardon, répondit le lepero en ricanant, peut-être l’ai-je mal fait, et il recommença.

L’Indien, outré de l’impudence de son ennemi, se précipita sur lui, résolu d’en finir par un coup de poignard.

Mais, aveuglé par la fureur, il calcula mal la portée de son élan, imprima un mouvement trop brusque à la pirogue ; la frêle embarcation, dont l’équilibre fut dérangé chavira, et les deux ennemis roulèrent dans le fleuve.

Une fois dans l’eau, le lepero qui nageait comme une loutre ne perdit pas la tête et glissa entre deux eaux, en se dirigeant vers l’hacienda aussi vite que ses forces le lui permettaient.

Mais, s’il nageait bien, l’Ours-Noir nageait au moins aussi bien que lui ; le premier mouvement de surprise passé, le chef s’orienta et retrouva presque immédiatement la trace de son ennemi.

Alors commença entre ces deux hommes une lutte d’adresse et de forces ; peut-être se serait-elle terminée à l’avantage du blanc, qui avait une grande avance sur son adversaire, si plusieurs guerriers, témoins de ce qui s’était passé, ne s’étaient pas aussi jetés à la nage et n’avaient coupé la retraite au fugitif.

Cucharès vit que la fuite était impossible : alors, sans chercher à continuer plus longtemps une lutte sans but désormais, il se dirigea vers un arbre après