Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulez éviter ; je pousserai des cris si perçants qu’ils parviendront aux oreilles des païens, qui accourront ici.

Don Sylva s’arrêta en hésitant ; il connaissait le caractère ferme et déterminé de sa fille ; il savait qu’elle mettrait immédiatement sa menace à exécution.

Quelques minutes s’écoulèrent, pendant lesquelles le père et la fille demeurèrent face à face, se mesurant de l’œil, mais ne prononçant pas un mot, ne faisant pas un geste.

Soudain les branches s’écartèrent avec fracas et livrèrent passage à deux hommes, ou plutôt à deux démons, qui, d’un bond de panthère s’élancèrent sur L’haciendero, le renversèrent sur le sol. Avant que don Sylva eût pu, à la pâle lueur des étoiles, reconnaître les ennemis qui l’attaquaient si inopinément, il était garrotté, bâillonné, et un mouchoir, entortillé autour de sa tête, lui enlevait complétement la vue des objets extérieurs et l’empêchait de savoir non-seulement ce qu’on voulait faire de lui, mais encore ce qui arrivait à sa fille.

Celle-ci, à cette brusque apparition, avait poussé un cri d’effroi immédiatement étouffé par la prudence : elle avait reconnu don Martial.

— Silence ! dit rapidement le Tigrero à voix basse, je n’avais que ce moyen d’en finir. Venez, venez ; votre père, vous le savez, est sacré pour moi.

La jeune fille ne répliqua pas.

Sur un signe de don Martial, Cucharès avait saisi don Sylva, l’avait chargé sur ses épaules et s’était dirigé vers les palétuviers.

— Où allons-nous ? demanda doña Anita d’une voix tremblante.