Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/316

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pulque, don Sylva, sans même songer à fumer sa cigarette, ce à quoi il ne manquait jamais après avoir mangé, s’enveloppa avec soin dans son zarape — manteau, — s’allongea sur le sol, la plante des pieds exposée au feu, et s’endormit presque immédiatement d’un sommeil de plomb.

Don Martial et la jeune fille demeurèrent quelques instants silencieux en face l’un de l’autre, les yeux fixés sur l’haciendero et épiant avec inquiétude les phases de son sommeil. Enfin, lorsque le Tigrero fut persuadé que don Sylva dormait réellement, il se pencha vers la jeune fille et murmura d’une voix douce à son oreille :

— Pardon, doña Anita, pardon !

— Pardon ! et pourquoi ? répondit-elle d’un air étonné.

— Hélas ! c’est pour moi que vous souffrez.

— Égoïste ! fit-elle avec un sourire enchanteur, n’est-ce donc pas pour moi aussi, puisque je vous aime ?

— Oh ! merci ! s’écria-t-il, vous me rendez le courage que je sentais faiblir dans mon cœur. Hélas ! comment tout cela finira-t-il ?

— Bien, j’en suis convaincue, fit-elle avec vivacité, il n’y a que patience à avoir ; mon père, croyez-le bien, ne tardera pas à revenir sur votre compte.

Le Tigrero sourit tristement.

— Je ne puis cependant, dit-il, vous promener indéfiniment ainsi dans la prairie.

— C’est vrai, reprit-elle avec accablement. Que faire ?

— Je ne sais. Depuis deux jours, nous ne faisons que tourner autour de la colonie, dont nous ne som-