Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/334

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Blas Vasquez fronça le sourcil, son front se plissa. Il répondit d’une voix grave et d’un accent ému :

— Seigneurie, je suis né sur les terres de la famille de Torrès ; nul plus que moi n’est dévoué corps et âme aux personnes dont vous avez prononcé le nom. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Entrer dans le désert, dans les conditions où nous sommes, ce serait tenter Dieu ; nous ne devons pas compter sur un miracle, un miracle seul pourrait nous ramener ici sains et saufs.

Il y eut un silence : ces paroles avaient produit sur l’esprit du comte une impression qu’il cherchait vainement à surmonter ; le lepero devina son hésitation, il s’approcha.

— Pourquoi, dit-il d’une voix câline, ne m’avez-vous pas averti que vous manquiez de guide, señor conde ?

— À quoi bon ?

— Au fait, c’est vrai, ce n’était pas la peine, puisque je me suis engagé à vous conduire auprès de don Sylva ; vous l’avez sans doute oublié.

— Vous connaissez donc la route ?

— Eh ! autant que peut la connaître un homme qui deux fois seulement l’a parcourue.

— Vive Dieu ! s’écria le comte, maintenant, nous pouvons pousser en avant, aucune raison ne doit nous arrêter davantage. Diego Léon, faites sonner le boute-selle, et vous, compagnon, soyez-nous bon guide, et vous aurez des preuves de ma reconnaissance.

— Oh ! rapportez-vous en à moi, seigneurie, répondit le lepero avec un rire équivoque, je vous certifie que vous arriverez où je dois vous conduire.