Aller au contenu

Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’était pas chose facile sur ce terrain plat et entièrement dénudé, où il était presque impossible de s’avancer sans être aperçu, car les Indiens sont comme des bêtes fauves, ils ont le privilège de voir la nuit ; dans les ténèbres, leurs prunelles métalliques se dilatent comme celles des tigres, et ils distinguent aussi facilement leurs ennemis au milieu des plus épaisses ténèbres que par le plus éblouissant soleil.

Cependant don Martial ne se rebuta pas.

Non loin de la halte des Peaux-Rouges se trouvait un bloc énorme de granit, au pied duquel trois ou quatre ahuehuelts avaient poussé, et avaient fini, avec le temps, par si bien enchevêtrer leurs rameaux les uns dans les autres, qu’ils formaient, à une certaine hauteur, sur les flancs du roc, un inextricable fourré.

Le Mexicain s étendit sur le sol, et doucement, pouce à pouce, ligne par ligne, en s’aidant des genoux et des coudes, il se glissa du côté du rocher, en profitant habilement de l’ombre nettement dessinée sur le sol par le roc lui-même et les arbres qui poussaient auprès.

Il fallut au Tigrero près d’une demi-heure pour parcourir les quarante mètres à peu prés qui le séparaient du rocher.

Il l’atteignit enfin ; alors il s’arrêta afin de reprendre haleine et poussa un soupir de satisfaction.

Le reste n’était plus rien : il ne craignait plus maintenant d’être vu, grâce au rideau de branches qui le dérobait aux regards des Indiens, mais seulement d’être entendu.

Après s’être reposé quelques secondes, il recommença à ramper, s’élevant peu à peu sur le