Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/380

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subitement pour ne plus laisser dans son cœur qu’un profond sentiment de reconnaissance.

Cependant doña Anita s’était réveillée pendant cette conversation ; ce fut avec un indicible mouvement de joie qu’elle les entendit causer aussi amicalement entre eux.

Lorsque son père lui apprit la cause du voyage subit qu’on l’avait forcée à entreprendre au milieu de la nuit, elle remercia chaleureusement don Martial et le récompensa de toutes ses peines par un de ces regards dont les femmes qui aiment possèdent seules le secret et dans lesquels elles font passer toute leur âme.

Le Tigrero, joyeux de voir son dévouement apprécié comme il méritait de l’être, oublia toutes ses fatigues, et n’eut plus qu’un désir, terminer heureusement ce qu’il avait si bien commencé.

Dès que les chevaux eurent mangé, on se remit en selle.

— Je m’abandonne à vous, don Martial, dit l’haciéndero, vous seul pouvez nous sauver.

— Avec l’aide de Dieu, j’y parviendrai, répondit le Tigrero avec passion.

On entra dans le fleuve, assez large en cet endroit. Au lieu de le traverser en droite ligne, don Martial, afin de dérouter les sauvages, suivit pendant assez longtemps le fil de l’eau, la coupant en biais, et faisant des tours et des détours sans nombre.

Enfin, arrivé à un endroit où le cours du fleuve se trouvait resserré entre deux rives formées de masses calcaires, où il était impossible que les pieds des chevaux laissassent des empreintes, il aborda.

La caravane avait quitté le désert. Devant elle