Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/414

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chant vainement à sortir du cercle dans lequel les cavaliers étaient parvenus à l’enserrer ; enfin il chancela sur sa selle, tâcha de se retenir à la crinière de son cheval et roula sur le sable comme une masse en poussant un dernier cri de rage.

Il était mort !

Cet événemeni causa une émotion extrême aux soldats ; dès ce moment, ils sentirent qu’ils étaient trahis et commencèrent à voir leur position telle qu’elle était réellement, c’est-à-dire désespérée.

Vainement le capitaine chercha à leur rendre un peu de courage, ils ne voulurent rien entendre et se livrèrent à ce désespoir qui désorganise et paralyse tout.

Le comte donna l’ordre du départ : on se mit en marche.

Mais où aller ? dans quelle direction se tourner ? nulle trace n’était visible. Cependant on marcha, plutôt afin de changer de place que dans l’espoir de sortir du sépulcre de sable dans lequel on se croyait enseveli à jamais.

Huit jours s’écoulèrent, huit siècles, pendant lesquels les aventuriers endurèrent les plus horribles tortures de la faim et de la soif.

La compagnie n’existait plus ; il n’y avait plus ni chefs ni soldats : c’était une légion de fantômes hideux, un troupeau de bêtes féroces, prêtes à s’entre-dévorer à la première occasion.

On en avait été réduit à fendre les oreilles des chevaux et des mules, afin de boire le sang.

Errants tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, trompés par le mirage, affolés par les rayons incandescents du soleil, ils étaient en proie à un déses-