Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/418

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Chose étrange ! tous ces hommes, accablés de misères inouïes, obéissaient comme des enfants aux ordres de leur chef, tant est grande la terreur qu’inspire la mort dans les ténèbres.

Ils enfonçaient le visage dans le sable, afin d’éviter le souffle brûlant de l’air qui passait sur eux. Les animaux, accroupis sur le sol, le cou allongé, suivaient instinctivement leur exemple.

Par intervalle lorsque le vent donnait une seconde de répit aux malheureux qu’il torturait comme à plaisir, on entendait des cris et des râles d’agonie mêlés à des blasphèmes et à d’ardentes prières qui sortaient de la foule étendue tremblante sur te sol.

L’ouragan sévit ainsi toute la nuit avec une fureur toujours croissante ; vers le matin il se calma peu à peu ; au lever du soleil, il avait épuisé toutes ses forces et s’était élancé vers d’autres parages.

L’aspect du désert était complètement changé : où la veille se trouvait des vallées, il y avait des montagnes ; les rares arbres, tordus, déchiquetés, brûlés par l’ouragan, montraient leurs squelettes noircis et dépouillés ; nulle trace de pas, nul sentier ; tout était plat, lisse et uni comme une glace.

Les Français n’étaient plus qu’une soixantaine, les autres avaient été enlevés ou engloutis, sans qu’il fût possible d’en découvrir le moindre vestige ; le sable s’était étendu sur eux comme un immense linceul grisâtre.

Le premier sentiment qu’éprouvèrent ceux qui survivaient fut la terreur ; le second le désespoir, et alors les gémissements et les plaintes commencèrent avec une force toujours croissante.