Page:Aimard - La Grande flibuste, 1862.djvu/98

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cains, que, chaque fois que l’occasion s’en présentait, ils tuaient les Anglais avec une ardeur qui prouvait en faveur de leur piété bien entendue.

Don Martial reprit :

— Parole de Tigrero, déjà deux fois cet homme s’est trouvé sur ma route, et je l’ai épargné ; mais qu’il prenne garde à une troisième rencontre !

— Oh ! fit Cucharès, le révérend fray Becchico dit qu’on gagne de belles indulgences en coupant[1] un Anglais. Je n’ai pas eu encore la chance d’en rencontrer un, bien que je doive environ huit morts. J’ai bien envie de me donner celui-là ; ce sera toujours autant de gagné.

— Garde-t-en bien, sur ta vie, picaro, cet homme m’appartient.

— Alors n’en parlons plus, répondit-il en étouffant un soupir ; je vous le laisserai, je vous le laisserai. C’est égal, ça me chiffonne, bien que la niña paraisse le détester cordialement

— As-tu la preuve de ce que tu avances ?

— Quelle preuve meilleure que celle de la répulsion qu’elle montre dès qu’il paraît, et de la pâleur qui subitement, sans cause apparente, couvre alors son visage ?

— Oh ! je donnerais mille onces pour savoir à quoi m’en tenir.

— Qui vous en empêche ? Tout le monde dort, nul ne vous verra ; l’étage n’est pas haut ; une quinzaine de pieds tout au plus. Je suis certain que doña Anita serait heureuse de causer avec vous.

  1. Ce terme, dans l’argot mexicain, signifie assassiner.