Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/127

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— À quoi bon, mon père ? le feu me suffira, dit-elle avec douceur.

— Mais au moins mangez quelque chose, vous devez avoir faim ; car, si je ne me trompe, de toute la journée vous n’avez rien pris ?

— C’est vrai, mon père, mais je n’ai pas faim.

— Cela ne fait rien, reprit-il en insistant, un jeûne trop prolongé pourrait vous être nuisible ; je veux que vous mangiez.

— C’est inutile, mon père, répondit-elle avec hésitation.

— Mangez, je le veux, fit-il ; si ce n’est pour vous, que ce soit pour moi ; mangez la moindre des choses, afin de vous donner des forces ; nous ne savons pas ce qui nous attend dans quelques heures.

— Hélas ! je voudrais vous obéir, mon père, dit-elle en baissant les yeux, mais cela m’est impossible.

— Et pourquoi donc ? puisque je vous dis que je le veux.

— Parce que je n’ai rien à manger.

Cette parole tomba comme une massue sur la poitrine du bandit.

— Oh ! c’est affreux ! murmura-t-il ; pauvre enfant, pardonnez-moi ; Ellen, je suis un misérable, indigne d’un dévouement comme le vôtre.

— Calmez-vous, mon père, je vous en prie ; je n’ai pas faim ; je vous le répète, une nuit est bientôt passée, et demain, comme vous me l’avez dit, nous verrons ; mais d’ici là, j’en ai la conviction, Dieu nous viendra en aide.

— Dieu ? s’écria le squatter en grinçant des dents, encore ce mot !

— Dieu ! toujours Dieu ! mon père, répondit la jeune