Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/363

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouleversement aussi grand chez cet être indomptable ?

Nul n’aurait pu le dire, sans doute, car le squatter était maître de son secret, et aurait tué sans pitié tout individu qu’il eût pu soupçonner d’en avoir dérobé une parcelle.

Cette raison, quelle qu’elle fût, était en effet bien forte, car, après quelques minutes d’une profonde réflexion, sa main cessa machinalement de peser sur les rênes, sa tête tomba sur sa poitrine ; le cheval, ne se sentant plus guidé, s’arrêta et se mit à happer les jeunes pousses des arbres.

Le squatter ne s’aperçut pas de cette halte.

Il pensait ; le front pâle, les sourcils froncés, de sourdes exclamations s’échappaient par intervalles de sa poitrine comme des grondements de bête fauve.

Enfin il releva la tête.

— Non ! s’écria-t-il en lançant vers le ciel étoilé un regard de colère ; toute lutte est impossible avec ce démon ; il faut fuir, fuir au plus vite, là-bas, dans les prairies du Far-West. Je braverai cet ennemi implacable ; oui, je fuirai, mais comme le bon, en emportant ma proie dans mes griffes ! Je n’ai pas un instant à perdre… Que m’importent, à moi, les Espagnols et leurs mesquines querelles !… Le général Ventura cherchera un autre émissaire, un soin plus important me réclame… C’est au rancho del Coyote que je dois aller. Là seulement je trouverai ma vengeance… Au rancho !… by God !… Fray Ambrosio et sa prisonnière peuvent seuls me fournir les armes qui me manquent pour la lutte terrible que je suis contraint de soutenir contre ce démon vomi par l’enfer, et que je contraindrai à y rentrer.

Après avoir, suivant la coutume des hommes habi-