Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Moi, don Luciano Ferez, juez de letras de la ville du Paso, dit-il, je viens, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le gouvernement, vous sommer, vous et vos adhérents, d’avoir à quitter sous vingt-quatre heures cette forêt dans laquelle vous vous êtes indûment introduits, et qui…

— Ta ! ta ! ta ! s’écria l’inconnu en interrompant sans façon le juge et en frappant du pied avec colère, je me soucie de toutes vos lois et de toutes vos paroles comme d’un vieux mocksens ; la terre est au premier occupant, nous nous trouvons bien ici, nous y resterons.

— Votre langage est bien hautain, jeune homme, dit alors don Miguel, vous ne réfléchissez pas que vous êtes seul, et que, à défaut d’autres droits, nous avons en ce moment la force pour nous.

Le squatter se mit à rire.

— Vous croyez cela, fit-il ; apprenez, étranger, que je me soucie aussi peu des dix imbéciles qui sont là devant moi que d’un wood-cock (bécasse), et qu’ils feront bien de me laisser tranquille s’ils ne veulent pas faire à leurs dépens l’expérience de ce que pèse mon bras. Au surplus, voici mon père, arrangez-vous avec lui.

Et il se mit insoucieusement à siffler l’air national Yankee Doodle.

Au même instant, trois hommes, en tête desquels marchait le Cèdre-Rouge, apparurent dans le sentier.

À ce renfort imprévu qui arrivait à leur arrogant ennemi, le juge et les alguazils firent un mouvement en arrière ; la question se compliquait singulièrement, elle menaçait de prendre pour eux des proportions excessivement graves.