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Don Tadeo se retira.

La jeune fille s’occupa immédiatement des préparatifs de son voyage.

Que lui importait d’être dans un endroit plutôt que dans un autre, puisque partout elle était condamnée à souffrir !

Qui sait si la pauvre enfant, sans oser se l’avouer à elle-même, n’espérait pas revoir celui qu’elle aimait ?

L’amour est un rayon de soleil divin qui illumine les nuits les plus sombres !



XXIII

LA CHINGANA


Valdivia, fondée en 1551 par le conquérant espagnol don Pedro de Valdivia, est une charmante ville qui s’élève à deux lieues de la mer, sur la rive gauche d’un fleuve que de forts navires remontent facilement, dans la fertile vallée de Guadallauque.

L’aspect de cette cité, sentinelle avancée de la civilisation dans ces contrées éloignées, est des plus riants ; les rues sont larges, tirées au cordeau, les maisons blanchies à la chaux, élevées d’un étage seulement à cause des tremblements de terre, se terminent toutes en terrasses.

Çà et là s’élancent dans les nuées les hautes flèches des clochers des nombreuses églises et des couvents, qui occupent plus d’un bon tiers de la ville.

C’est une chose inouïe que le nombre de couvents qui pullulent en Amérique ! on peut affirmer que le nouveau monde est la Terre Promise des moines, ils semblent sortir du sol à chaque pas.

Grâce au commerce étendu que fait Valdivia à cause de son port, lieu de relâche des nombreux baleiniers qui pêchent dans ces parages, et des navires qui viennent s’y radouber, après avoir doublé le cap Horn ou avant de le passer, ses rues ont une animation que l’on rencontre rarement dans les villes américaines.

Don Tadeo arriva à Valdivia, en compagnie de don Gregorio et de dona Rosario, le soir du seizième jour après son départ de la chacra de son ami.

Ils avaient fait diligence, et pour ce pays, où l’on ne connaît d’autre moyen de transport que le cheval, c’était avoir voyagé avec une extrême rapidité.

Si les deux gentilshommes l’eussent voulu, il leur eût été facile d’entrer dans la ville vers deux ou trois heures de l’après-dîner, mais ils avaient préféré que, dans cette cité où beaucoup de personnes les connaissaient, nul ne se doutât de leur présence, d’abord parce que don Tadeo était contraint de se cacher pour éviter les agents de la police du président de la République, qui avaient reçu l’ordre de l’arrêter partout où il le rencontreraient.

Heureusement que dans ces pays, sans un hasard extraordinaire ou un