Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/165

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— Messieurs, dit don Tadeo, la lutte va bientôt commencer, je veux enfin que vous me connaissiez, et que vous sachiez quel est l’homme qui vous commande, et il jeta son masque loin de lui.

Un frémissement d’enthousiasme parcourut les rangs des conjurés.

— Don Tadeo de Leon ! s’écrièrent-ils avec un étonnement mêlé d’une espèce de vénération pour cet homme qui avait souffert pour la cause commune.

— Oui, messieurs, répondit don Tadeo de Leon, celui que les sicaires du tyran avaient condamné à mort, et que Dieu a miraculeusement sauvé, afin d’être aujourd’hui l’instrument de sa vengeance.

Tous les conjurés se pressèrent tumultueusement autour de lui.

Ces hommes aux impressions spontanées, essentiellement superstitieux, ne doutaient plus de la victoire, puisqu’ils avaient à leur tête celui que Dieu, dans leur croyance, avait si manifestement sauvegardé.

Don Tadeo comptait intérieurement sur cette manifestation pour augmenter l’ardeur des conjurés et augmenter encore le prestige dont il jouissait ; le résultat avait répondu à son attente.

— Chacun est-il à son poste ? de manda-t-il.

— Oui.

— Les armes et les munitions sont distribuées ?

— À tout le monde.

— Toutes les barricades faites ? toutes les portes de la ville gardées ?

— Toutes.

— C’est bien ; Maintenant, attendez.

Le calme se rétablit.

Tous ces hommes connaissaient depuis longtemps don Tadeo, ils appréciaient son caractère à sa juste valeur ; déjà ils lui avaient voué une amitié sans bornes : maintenant qu’ils savaient que le Roi des ténèbres et don Tadeo étaient la même personne, ils étaient prêts à se faire tuer pour lui.

La nouvelle de la reconnaissance qui venait d’avoir lieu sur la place s’était répandue dans toute la ville avec la rapidité d’une traînée de poudre et avait encore ajouté à la fermentation qui régnait.

Pendant les quelques mots échangés entre le chef des conjurés et ses acolytes un régiment d’infanterie était rangé en bataille devant le cabildo, flanqué à droite et à gauche par deux escadrons de lanceros.

— Attention, commanda Tadeo.

Un frémissement d’impatience parcourut les rangs des hommes groupés autour de lui.

— Eh ! eh ! murmura Valentin avec ce ricanement moqueur qui lui était particulier, cela se dessine : Caramba ! nous n’allons pas tarder à nous amuser.

Les portes du cabildo s’ouvrirent avec fracas.

Un général, suivi d’un brillant état-major, prit place au haut des marches du grand escalier, puis parurent plusieurs sénateurs en grand costume qui se groupèrent auprès de lui.

Sur un signe du général, un roulement de tambour se fit entendre.