Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/180

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dent rien à la vengeance ! Que m’importe sa mort ? c’est sa vie que je veux !

— Que ma sœur s’explique, je ne la comprends pas.

— La mort, ce n’est que quelques instants de souffrance, puis tout est fini.

— La mort blanche, peut-être, mais la mort indienne, il faut l’appeler bien des heures avant qu’elle réponde.

— Je veux qu’elle vive, vous dis-je.

— Elle vivra !… Ah ! ajouta-t-il avec un soupir, le toldo d’un chef est vide, ses feux sont éteints.

— Oh ! oh ! interrompit la Linda, vous n’avez pas de femmes ?

— Elles sont mortes.

— Et dans quel lieu se trouve votre tribu, en ce moment ?

— Oh ! dit l’Indien, bien loin d’ici, à dix soleils de marche au moins ; je retournais rejoindre les guerriers de ma tolderia lorsque Joan m’a chargé de le remplacer.

Il y eut un silence.

La Linda réfléchit.

Doña Rosario redoubla d’attention, elle comprit qu’elle allait connaître son sort.

— Et vous, reprit doña Maria, en fixant un regard interrogateur sur son interlocuteur, quel intérêt si grand vous retenait dans les plaines du bord de la mer ?

— Aucun. J’étais venu, ainsi que les autres Ulmènes, pour le renouvellement des traités.

— Vous n’aviez pas d’autres raisons ?

— Pas d’autres.

— Écoutez, chef, vous avez sans doute admiré ces quatre chevaux qui sont attachés à la porte de cette masure ?

— Ce sont de nobles bêtes, répondit l’Indien, dont l’œil brilla de convoitise.

— Eh bien ! il ne dépend que de vous que je vous les donne.

— Oh ! oh ! s’écria-t-il avec joie, que faut-il faire pour cela ?

La Linda sourit.

— M’obéir, dit-elle.

— J’obéirai, répondit-il.

— Quoi que je vous commande ?

— Quoi que ma sœur me commande.

— Bien ; mais souvenez-vous de ce que je vais vous dire : si vous essayez de me tromper, ma vengeance sera terrible, elle vous suivra partout.

— Pourquoi tromperais-je ma sœur ?

— Parce que votre race indienne est ainsi faite, astucieuse et fourbe, toujours prête à trahir.

Un éclair sinistre jaillit de l’œil voilé du guerrier puelche ; cependant il répondit d’une voix calme :

— Ma sœur se trompe, les Araucans sont loyaux.

— Nous verrons, reprit-elle ; comment vous nommez-vous ?

— Le Rat Musqué.