Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/207

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patriote dévoué, je revendique auprès de vous le droit qui m’appartient de présider la commission appelée à le juger.

— Votre demande vous est accordée, monsieur, répondit don Tadeo qui ne put réprimer un sourire de mépris.

— Merci, monsieur, fit le sénateur avec un mouvement de joie, quelque pénible que soit ce devoir, je saurai le remplir.

Après avoir profondément salué don Tadeo, le sénateur sortit tout joyeux du salon.

— Vous le voyez, dit don Tadeo en se tournant vers Valentin, don Pancho avait deux amis sur lesquels il croyait pouvoir compter : l’un s’était chargé de le proclamer, l’autre de le défendre. Eh bien ! dans l’un il a trouvé un geôlier, dans l’autre un bourreau !…

— C’est monstrueux, fit valentin avec dégoût.

— Non, répondit don Tadeo, c’est logique, voilà tout, il a échoué !

— J’ai assez de vos hommes politiques à double face, dont aucune n’est véritable, reprit Valentin, laissez-moi retourner auprès de nos amis.

— Allez donc, puisque vous le voulez.

— Merci.

— Vous reviendrez immédiatement à Valdivia, n’est-ce pas ?

— Pardieu.

— Voulez-vous une escorte ?

— Pourquoi faire ?

— C’est vrai ! pardonnez-moi, j’oublie toujours que vous ne redoutez jamais aucun danger.

— Je ne tremble que pour mes amis, voilà pourquoi je vous quitte.

— Auriez-vous quelque raison sérieuse ?

— Aucune, une inquiétude vague que je ne puis définir, m’engage seule à ne pas rester plus longtemps auprès de vous.

— Partez vite, alors, mon ami ; surtout veillez avec soin sur doña Rosario.

— Soyez tranquille, avant trois heures elle sera ici.

— C’est convenu ; bonne chance, songez que je vous attends avec impatience.

— Le temps d’aller et de venir, pas davantage.

— Allons, au revoir.

Valentin sortit du salon, se rendit aux écuries, sella lui-même son cheval et partit au galop.

Il avait dit vrai à don Tadeo, une inquiétude vague le tourmentait, il avait le pressentiment d’un malheur.