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Les Araucans, sortes de Spartiates américains, ont toujours vaillamment lutté pour conserver leur liberté, ce bien suprême qu’ils placent au-dessus de tous les autres.

Et il est arrivé ceci : que les Araucans, absorbés par le soin de conserver l’intégrité de leurs frontières, d’empêcher les Blancs de s’introduire chez eux et de s’y établir, ont sacrifié à ce devoir, qui seul garantit leur nationalité, tous les autres intérêts qui pour eux n’étaient que secondaires, de sorte que les sciences et les arts sont restés chez eux dans une espèce de statu quo depuis l’apparition des Blancs, et que les seuls progrès qu’ils ont faits ont été dans l’art militaire afin de résister plus facilement aux Espagnols qui les menaçaient incessamment.

L’armée araucanienne se compose d’infanterie et de cavalerie.

Ils n’ont commencé à se servir de cavalerie qu’après en avoir apprécié les avantages dans les premières batailles qu’ils ont livrées aux Espagnols ; avec cette adresse particulière à la race indienne, ils s’habituèrent facilement aux exercices du manège, et cela si vite qu’ils ne tardèrent pas à surpasser leurs maîtres en fait d’équitation ; ils se procurèrent de nombreuses et bonnes races de chevaux et les élevèrent si bien qu’en l’année 1568, c’est-à-dire à peine dix-sept ans après avoir pour la première fois tenu tête aux Espagnols, ils avaient déjà dans leur armée plusieurs escadrons de cavalerie.

Ce fut le toqui Cadégual, arrière-grand-père d’Antinahuel, qui le premier, en 1585, donna une organisation régulière à cette cavalerie, dont, en peu de temps, la légèreté et la promptitude des manœuvres devinrent excessivement redoutables aux Européens.

Le manucitalinco — l’infanterie — est divisé en régiments et en compagnies : chaque régiment a un effectif de mille hommes et les compagnies de cent. L’organisation de la cavalerie est semblable. Seulement le nombre de chevaux n’est pas fixé et varie à l’infini.

Chaque corps a son drapeau, timbré d’une étoile qui est l’écusson de la nation.

Fait étrange que celui de ce blason, se retrouvant presque aux confins de la terre habitable, chez un peuple que l’on prétend être barbare ou sauvage, ce qui, n’en déplaise à bien des érudits, n’est nullement synonyme.

Les soldats ne sont pas, comme les Européens, astreints à l’uniforme, ils portent seulement sous leurs vêtements ordinaires des cuirasses et des casques de cuir durci au moyen de certain apprêt.

La cavalerie est armée de lances fort longues, terminées par un fer de plusieurs pouces, forgé par les Araucans eux-mêmes, et de larges épées courtes à lame triangulaire, qui ont une certaine ressemblance avec les poignards de nos fantassins.

Dans leurs premières guerres ils faisaient usage de frondes et de flèches, mais ils les ont presque abandonnées, car l’expérience leur a appris qu’il vaut mieux recourir d’abord à l’arme blanche et charger résolument l’ennemi afin de l’empêcher de se servir de ses armes à feu.

Jusqu’à présent ces vaillants guerriers n’ont jamais pu parvenir à trouver