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riers d’élite peuvent combattre avec avantage contre un nombre d’ennemis vingt fois plus grand. C’est dans ce lieu que j’ai résolu d’attendre les Huincas ; les Moluchos s’empareront des hauteurs, et lorsque les visages pâles se seront engagés sans défiance dans ce passage, je les attaquerai de tous les côtés à la fois avec mes guerriers, et ils seront massacrés jusqu’au dernier s’ils essaient une résistance insensée.

— N’existe-t-il donc pas d’autre chemin pour se rendre à Santiago ?

— Il n’en existe pas ; ils sont obligés de passer là.

— Alors ils sont perdus ! s’écria-t-elle avec joie.

— Sans ressource ! fit-il avec orgueil ; le cañon del Rio Seco est célèbre dans notre histoire. Ce fut là, ajouta-t-il, que mon aïeul Cadegual, le grand toqui des Araucans, défit, à la tête de huit cents Huiliches, une armée espagnole, à l’époque où ces fanfarons visages pâles se berçaient de l’espoir de dompter les Aucas !

— Alors mon frère répond de sauver don Pancho Bustamente ?

— Oui ! à moins que le ciel ne tombe ! fit-il avec un sourire.

Quatre heures plus tard, la petite troupe arrivait au canon del Rio Seco.




VIII

CONTRE-MINE


Conformément à la prédiction de Trangoil Lanec, Louis de Prébois-Crancé se rétablissait avec une promptitude étonnante.

Soit désir de commencer plus tôt ses recherches, soit à cause de sa bonne constitution, la veille du jour fixé pour le départ, il était parfaitement dispos et annonçait à don Tadeo qu’il était en état de se mettre en route quand on le voudrait.

Dans les romans, il est assez ordinaire devoir des gens grièvement blessés la veille recommencer le lendemain, comme si de rien n’était, le cours de leurs pérégrinations aventureuses ; mais dans la vie réelle il n’en est pas de même. La nature a des droits imprescriptibles devant lesquels l’homme le plus fort est contraint de se courber. Si, cinq jours à peine après avoir été blessé, le jeune Français était debout, c’est que ses blessures n’étaient que des estafilades sans conséquence, qui n’avaient eu d’autre résultat que celui de l’affaiblir en lui occasionnant une grande perte de sang, et qu’elles se trouvaient alors cicatrisées, grâce aux compresses souvent renouvelées d’orégano, plante qui possède cette qualité précieuse de guérir les plaies presque instantanément.

Néanmoins, tout porte à croire que le jeune homme, aveuglé par son amour, se trompait en affirmant que ses forces étaient revenues. L’impatience qui le dévorait le lui faisait croire sans doute. Dans tous les cas, le