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Mais le Corcovado n’était pas complètement boisé, aussi l’incendie ne put-il pas s’étendre au loin. Néanmoins, le but que Curumilla s’était proposé était atteint, les lieux qui une heure auparavant offraient d’excellents abris, étaient à présent entièrement découverts.

Aux cris poussés par les Indiens, don Tadeo et le comte s’étaient éveillés en sursaut, et croyant à une attaque ils avaient rejoint le chef.

Ils le trouvèrent contemplant l’incendie d’un œil radieux, se frottant les mains silencieusement.

— Eh ! fit don Tadeo, qui a allumé ce brasier ?

— Moi ! répondit Curumilla, voyez comme ces bandits se sauvent à demi grillés.

Les deux hommes partagèrent franchement son hilarité.

— Ma foi ! observa le comte, vous avez eu une heureuse idée, chef ! nous sommes débarrassés de voisins qui n’auraient pas laissé que d’être incommodes.

Faute d’aliments, l’incendie s’éteignit aussi rapidement qu’il s’était allumé ; les aventuriers dirigèrent leurs regards vers la plaine.

Ils poussèrent un cri d’étonnement et de stupeur.

Aux premiers rayons du soleil levant, mêlés aux lueurs mourantes de l’incendie, ils avaient aperçu un camp indien entouré d’un large fossé et retranché dans toutes les règles araucanes.

Dans l’intérieur de ce camp, qui était assez considérable, s’élevaient un grand nombre de huttes, construites avec des peaux de bœufs tendues sur des pieux croisés fichés en terre.

Les trois hommes allaient avoir à soutenir un siège en règle.

Toutes les prévisions de Curumilla s’étaient accomplies avec une précision désespérante.

— Hum ! dit le comte, je ne sais trop comment nous nous en tirerons.

— Eh mais ! observa don Tadeo, on dirait qu’ils demandent à parlementer.

— Oui, dit Curumilla en épaulant son fusil, faut-il tirer ?

— Gardez-vous-en bien, chef, s’écria don Tadeo, voyons d’abord ce qu’ils veulent, peut-être leurs propositions sont-elles acceptables.

— J’en doute, répondit le comte, cependant je crois que nous devons les écouter.

Curumilla redressa tranquillement son fusil sur lequel il s’appuya nonchalamment.

Plusieurs hommes étaient sortis du camp.

Ces hommes étaient sans armes.

L’un d’eux agitait de la main droite, au-dessus de sa tête, un de ces drapeaux étoilés qui servent de guidons aux Araucans.

Deux de ces individus portaient le costume chilien. Arrivés presque au pied de la citadelle improvisée, ils s’arrêtèrent.

La hauteur était assez grande, la voix n’arrivait que faiblement aux oreilles des assiégés.

— Que l’un de vous descende, cria une voix que don Tadeo reconnut pour