Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/330

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C’est ce que ces trois hommes indomptables se demandaient avec rage, sans pouvoir se faire une réponse satisfaisante.

Ils se trouvaient devant une impossibilité qui se dressait implacable et terrible devant eux.

Ils n’avaient que deux choses à faire : ou laisser mourir leurs amis sans chercher à les sauver, cette idée ne leur vint même pas, ou aller mourir avec eux.

Hors de ces deux combinaisons, il n’y avait rien ! c’était vainement qu’ils se creusaient la tête pour résoudre ce problème insoluble.

C’était un mal sans remède, il fallait courber le front ; Valentin fut le premier qui se décida.

— Vive Dieu ! dit-il en se levant avec violence, puisque nous ne pouvons que mourir avec nos amis, hâtons-nous de les joindre, la mort leur semblera plus douce si nous sommes près d’eux.

— Allons ! répondirent résolument les deux Indiens comme un écho funèbre.

Ils sortirent de la hutte.

Le soleil se levait radieux à l’horizon.

— Bah ! dit Valentin tout ragaillardi par l’air frais du matin et les éblouissants rayons du soleil qui faisaient miroiter les cailloux de la route, nous nous en tirerons ! Tant que l’âme tient au corps, il y a de l’espoir ! ne nous laissons pas abattre, chef, je suis certain que nous les sauverons.

L’Ulmen hocha tristement la tête.

En ce moment, Joan, qui s’était éloigné sans que ses compagnons le remarquassent, revint, conduisant en bride trois chevaux harnachés.

— À cheval, dit-il, peut-être arriverons-nous à temps.

Les deux hommes poussèrent un cri de joie et sautèrent en selle.

Alors commença une course furieuse qui ne peut être comparée à rien.

Cette course dura six heures.

Il était près de onze heures lorsque les trois hommes, toujours suivis par le brave César, arrivèrent en vue du Corcovado.

— Ici nous devons mettre pied à terre, dit Joan, continuer plus longtemps notre route à cheval serait nous exposer à être découverts par les éclaireurs de Antinahuel.

Les chevaux furent abandonnés.

Le plus grand silence régnait aux environs.

Les trois compagnons commencèrent à gravir la montagne.

Après avoir monté pendant assez longtemps, ils s’arrêtèrent pour reprendre haleine et se consulter.

— Attendez-moi ici, dit Joan, je vais à la découverte, nous devons être entourés d’espions.

Ses compagnons s’étendirent sur le sol ; il s’éloigna en rampant.

Au lieu de monter davantage, l’Indien, qui avait calculé qu’ils se trouvaient à peu près à la hauteur du bloc de rochers, obliqua peu à peu et disparut bientôt derrière un bloc de rochers.

Son absence fut longue, près d’une heure s’écoula avant qu’il reparût.