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les bottes doivent être gardées ; qui sait ? plus tard peut-être elles pourront servir.

Les deux jeunes gens avaient chacun un havresac en peau assez semblable à celui des soldats, qu’ils portaient sur leurs épaules et qui contenait leurs effets de première nécessité, leurs ponchos et leurs couvertures de campement.

Sans faire d’observation, ils attachèrent les bottes sur le havresac et le bouclèrent sur leurs épaules.

Curumilla eut bientôt terminé sa besogne, il leur remit à chacun une paire de chaussures en tout semblables aux siennes, et qu’ils chaussèrent à leurs pieds.

Tous ces préparatifs terminés, ils reprirent à grands pas le chemin des montagnes, suivis par César qui formait l’arrière-garde.




XXII

FIN CONTRE FIN


Aussitôt que les Chiliens eurent évacué le rocher, Antinahuel, qui semblait ne les avoir qu’à regret laissé échapper, se retourna d’un air de mauvaise humeur du côté du général Bustamente :

— J’ai fait ce que mon frère désirait, dit-il, que veut-il encore ?

— Rien, quant à présent, chef, à moins que vous ne consentiez à partir aussi de votre côté, ce qui, je crois, serait le mieux.

— Mon frère a raison, nous ne servons plus à rien ici.

— A rien, en effet ; seulement, puisque désormais nous voilà libres de nos actions, si mon frère y consent nous nous rendrons dans la hutte du conseil, afin de dresser un plan de campagne.

— Bon, répondit machinalement le toqui, en suivant d’un regard haineux les derniers rangs des soldats chiliens qui disparaissaient en ce moment derrière un accident de terrain.

Le général lui posa résolument la main sur l’épaule.

Le toqui se retourna brusquement.

— Que veut le chef pâle ? dit-il d’une voix sèche.

— Vous dire ceci, chef, répondit froidement le général : qu’importe une trentaine d’hommes, quand vous pouvez en immoler des milliers ? Ce que vous avez fait aujourd’hui est le comble de l’adresse : en renvoyant ces soldats vous semblez accepter votre défaite et renoncer, vous sentant trop faible, à tout espoir de vengeance. Vos ennemis prendront confiance, ils ne songeront pas à se tenir sur leurs gardes, et si vous êtes prudent, vous pourrez les attaquer avant qu’ils soient en mesure de vous résister.

Le front du chef se dérida, son regard devint moins farouche.

— Oui, murmura-t-il comme se parlant à lui-même, il y a du vrai dans ce