Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/360

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Le visage du chef s’épanouit.

— Ma sœur est bonne, s’écria-t-il en lui serrant les mains avec effusion ; Antinahuel n’est pas ingrat, il se souviendra.

— Que mon frère consente donc à faire ce que désire le grand guerrier des visages pâles, et je me tiendrai satisfaite, dit-elle d’une voix insinuante.

— Que mon frère parle, fit gravement le chef.

— Il nous faut, si nous voulons réussir, agir avec la rapidité de la foudre, dit don Pancho. Je vous le répète, chef, afin que vous en soyez bien convaincu, réunissez tous vos guerriers et donnez-leur rendez-vous sur le Biobio. Nous nous emparerons de Concepcion par un coup de main, de là nous marcherons sur Talca, qui est une ville ouverte, et si nos mouvements sont prompts, nous serons maîtres de Santiago, la capitale, avant même que l’on ait eu le temps de lever les troupes nécessaires pour s’opposer à notre passage.

— Bon, répondit en souriant Antinahuel, mon frère est un chef habile, il réussira.

— Oui, mais il faut se hâter surtout.

— Mon frère va voir, répondit laconiquement le toqui.

Se tournant vers le Cerf-Noir :

— Mon frère fera courir le Quipus et la lance de feu, dit-il ; dans dix soleils, trente mille guerriers seront réunis dans la plaine de Condorkanki : les guerriers marcheront jour et nuit pour se rendre au point désigné ; l’Ulmen qui n’amènera pas ses mosotones sera dégradé et renvoyé dans son village avec une robe de femme. J’ai dit, allez.

Le Cerf-Noir s’inclina et sortit sans répondre.

Vingt minutes plus tard, des courriers partaient à toute bride dans toutes les directions.

— Mon frère est-il content ? demanda Antinahuel.

— Oui, répondit le général ; bientôt je prouverai au chef que moi aussi je sais tenir mes promesses.

Le toqui donna l’ordre de lever le camp.

Une heure après, une longue file de cavaliers disparaissait dans les profondeurs de la forêt vierge qui formait les limites de la plaine.

C’était Antinahuel et ses guerriers qui se rendaient à la plaine de Condorkanki.

Un seul guerrier était resté au camp abandonné.

Il avait ordre d’attendre l’arrivée des mosotones qui conduisaient doña Rosario, afin de les guider à l’endroit où le toqui allait établir son camp, avant d’envahir le Chili.

Doña Maria et le général Bustamente étaient heureux.

Ils croyaient toucher enfin le but.

Ils s’imaginaient être sur le point de voir se réaliser l’espoir qu’ils nourrissaient depuis si longtemps, d’arriver au pouvoir suprême, et de tirer de leurs ennemis une vengeance éclatante.

Antinahuel ne songeait qu’à son amour pour doña Rosario.