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Il était mort quand on le pendit.

La frayeur l’avait tué.

Il était écrit que le pauvre don Ramon Sandias, victime d’une folle ambition, ne reverrait jamais Caza Azul !




XXVIII

L’AUCA-COYOG


La fin tragique du sénateur n’était que la conséquence de sa pusillanimité bien connue.

Si le général avait cru pouvoir se fier à sa parole, il l’aurait immédiatement relâché.

Mais il fallait avant tout que le secret de l’expédition fût gardé. De ce secret dépendait le succès de l’entreprise. Don Ramon rendu à la liberté n’aurait pas manqué, sous la pression des menaces, de révéler à la première occasion tout ce qu’il savait.

D’un autre côté, une armée en campagne, obligée de se porter rapidement d’un lieu à un autre, ne pouvait se charger d’un prisonnier gênant, qui se serait échappé d’un moment à l’autre.

Enfin, pour tout dire, le général n’était pas fâché d’abandonner cette victime à ses féroces alliés et de s’assurer leur concours dévoué, par cette preuve de condescendance.

De l’ensemble de toutes ces considérations était résultée la mort du pauvre diable qui, dans cette sombre tragédie, avait joué le rôle de bouc émissaire.

Aussitôt après l’exécution du sénateur, les chasquis, — hérauts, — convoquèrent les chefs à un grand Auca-coyog qui devait se tenir au centre du camp, devant le toldo du toqui.

Bientôt une trentaine d’Ulmènes et d’Apo-Ulmènes furent réunis à l’endroit désigné.

Ils s’assirent gravement sur des crânes de bœufs, qui avaient été disposés pour leur servir de sièges, et attendirent que le toqui se présentât au conseil.

Antinahuel ne tarda pas à arriver, suivi du général Bustamente.

À l’arrivée du toqui les chefs se levèrent, le saluèrent respectueusement et reprirent leur place.

Antinahuel tenait à la main la lettre saisie sur don Ramon.

Il rendit cérémonieusement leur salut aux chefs et prit la parole.

— Ulmènes, Apo-Ulmènes et chefs des quatre Utalmapus de la confédération araucanienne, dit-il, je vous ai fait convoquer par les chasquis, pour vous donner communication d’un collier arraché à l’espion qui par mon ordre vient d’être mis à mort ; ce collier changera, je crois, les dispositions que nous avions prises pour la malocca qui nous réunit. Notre allié le Grand Aigle