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Au même instant quatre pièces de canon furent démasquées sur l’autre rive, et, tirant à mitraille, semèrent la mort et l’épouvante parmi les Indiens.

Les Aucas, décimés par une grêle de projectiles, cherchèrent en vain à se reformer.

Une seconde décharge vint de nouveau jeter le désordre dans leurs rangs déjà à demi rompus.

Un fort détachement avait, pendant ce temps, franchi le gué, et s’était rué sur eux avec une incroyable furie.

La lutte désormais n’était plus égale.

Les Aucas, malgré leur courage, furent contraints de lâcher pied, en abandonnant près de deux cents cadavres sur la plage.

En vain ils cherchèrent plusieurs fois à se rallier et à reprendre l’offensive : poursuivis l’épée dans les reins, leur retraite ne tarda pas à se changer en déroute, et malgré les efforts du Cerf Noir, qui combattait comme un lion, ils s’enfuirent dans toutes les directions, en laissant l’ennemi définitivement maître du champ de bataille.

Le plan conçu par don Tadeo de Leon avait complètement réussi.

L’armée du général Fuentès venait de forcer le passage du Biobio et d’envahir le territoire araucan.

Ainsi, grâce à la ruse employée par le dictateur, le terrain sur lequel devait se décider la question était changé, et les Aucas, au lieu de porter, comme ils en avaient l’intention, la guerre dans le Chili, étaient contraints à se défendre chez eux.

D’envahisseurs qu’ils voulaient être, ils se trouvaient au contraire envahis, La campagne pouvait désormais être terminée par le gain d’une seule bataille.




XXIX

LE SACRIFICE HUMAIN


L’armée commandée par le général Fuentès se composait de deux mille hommes d’infanterie, huit cents cavaliers et six pièces de canon.

Forces imposantes pour ces pays où la population est très faible, et où souvent on a des peines infinies à réunir des armées la moitié moins nombreuses.

Aussitôt le passage effectué et la plage débarrassée des fuyards, le général fit camper ses troupes, résolu à leur donner quelques heures de repos avant de reprendre sa marche et opérer sa jonction avec don Tadeo de Leon.

Au moment où, après avoir donné ses derniers ordres, le général entrait sous sa tente de campagne, un Indien se présenta à lui.

— Que voulez-vous, Joan ? lui demanda-t-il.