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du combat, entraînèrent à travers la plaine les deux hommes enlacés l’un à l’autre comme deux serpents.

Cette course furieuse ne pouvait longtemps durer.

Les deux hommes roulèrent sur le sol.

Ils se dégagèrent des étriers et se retrouvèrent presque aussitôt face à face.

Le général, après quelques secondes d’une lutte sans résultat, leva son sabre et fendit le crâne de l’Indien.

Mais avant de tomber, Joan réunit ses forces, se jeta à corps perdu sur son ennemi surpris de cette attaque imprévue, et lui planta son poignard empoisonné dans la poitrine.

Les deux ennemis chancelèrent un instant et tombèrent à côté l’un de l’autre.

Ils étaient morts !




XXXII

VAINQUEUR ET PRISONNIER


En voyant tomber le général Bustamente, les Chiliens poussèrent un cri de joie, auquel les Araucans répondirent par un cri de désespoir.

— Pauvre Joan ! murmura tristement Valentin en fendant d’un coup de sabre le crâne d’un Indien qui cherchait à le poignarder, c’était une bien excellente nature !

— Sa mort est belle ! répondit Louis qui se servait de son fusil comme d’une massue, et assommait consciencieusement ceux qui l’approchaient.

— En se faisant aussi bravement tuer, observa don Tadeo, Joan nous a rendu un dernier service, et a évité de l’ouvrage au bourreau.

— Bah ! reprit philosophiquement Valentin, il est heureux ; est-ce qu’il ne faut pas finir par mourir un jour ! Mon ami, vous êtes trop curieux, ma conversation ne vous regarde point, et d’un coup de talon de botte il fit rouler à dix pas un Indien qui se jetait sur lui.

— Pille, César ! pille ! cria-t-il à son chien.

L’Aucas fut étranglé en une seconde.

Valentin était dans le ravissement, jamais il ne s’était trouvé à pareille fête, il combattait comme un démon avec un plaisir extrême.

— Mon Dieu, que nous avons donc bien fait de quitter la France ! répétait-il à chaque instant, il n’y a rien de tel que les voyages pour procurer de l’agrément.

Louis riait à se tordre de l’entendre parler ainsi.

— Tu t’amuses donc beaucoup, frère ? lui dit-il.

— Prodigieusement, cher ami, répondit-il.

Son audace était si grande, sa témérité si franche et si naïve, que les Chiliens le regardaient avec admiration et se sentaient électrisés par son exemple.