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Les Huiliches avaient vu avec désespoir leurs moissons détruites, leurs tolderias brûlées et leurs bestiaux tués ou enlevés.

Bref, la guerre les avait complètement ruinés ; le peu qu’avec d’énormes difficultés ils étaient parvenus à sauver, n’échapperait pas, ils le craignaient, à une seconde invasion de leurs ennemis, s’ils ne se hâtaient de conclure la paix.

Ces diverses considérations donnèrent fort à réfléchir aux Huiliches, qui composent la majorité de la nation.

Les capitanes de amigos et les Ulmenès que les Chiliens avaient mis de leur parti, profitèrent habilement de ces dispositions pour leur faire envisager sous les couleurs les plus sombres, les désastres sans nombre qui ne manqueraient pas de les assaillir, s’ils s’obstinaient à faire une guerre si nuisible à leurs intérêts, surtout dans la position où le pays était réduit.

Les Huiliches qui ne demandaient pas mieux que d’en finir et reprendre en toute sécurité le cours de leurs paisibles travaux, comprirent facilement ces raisons, et adhérèrent avec empressement aux conditions que leurs Ulmenès leur soumirent.

Un grand auca-coyog fut solennellement convoqué sur les rives du Carampangue, à la suite duquel six députés choisis parmi les chefs les plus sages et les plus considérés, ayant à leur tête un Apo-Ulmen nommé le Loup-Cervier, et suivis de mille cavaliers bien armés furent expédiés à Antinahuel afin de lui communiquer les résolutions du conseil, et lui demander son assentiment.

Les envoyés arrivèrent bientôt au camp de Antinahuel qui ne faisait qu’aller et venir, sans beaucoup s’éloigner du lieu où il avait donné rendez-vous aux tribus, afin de recommencer la guerre avec vigueur.

Lorsqu’il aperçut au loin cette nombreuse troupe qui soulevait sur son passage des tourbillons de poussière, Antinahuel poussa un soupir de satisfaction en songeant au renfort qui lui arrivait, pour la malocca qu’il voulait tenter sur le territoire chilien.

Il est une chose que nous devons expliquer, à propos de cette malocca.

Antinahuel avait juré de faire mourir don Tadeo à l’endroit même où son premier ancêtre, le toqui Cadegal, avait été mutilé par les Espagnols ; or, ce lieu se trouvait aux environs de Talca, c’est-à-dire dans une province chilienne. Voici pour quelle raison jusqu’à ce jour le chef semblait avoir oublié sa haine pour son prisonnier : il attendait d’avoir assez de troupes sous ses ordres pour assurer sa vengeance, et sacrifier le dernier rejeton de la race qu’il exécrait, sur la place même où son premier ancêtre était tombé.

Les Indiens aiment beaucoup raffiner leur vengeance : pour eux, il ne s’agit pas seulement de tuer leur ennemi, il faut qu’il soit exécuté de façon à produire une vive impression sur ceux qui assistent à son supplice.

Cependant la troupe que Antinahuel avait aperçue avançait toujours.

Bientôt elle se trouva à portée de voix.

Le toqui reconnut alors avec un déplaisir secret qu’elle était commandée par le Loup-Cervier, un des Apo-Ulmènes les plus influents de la nation, qui lui avait toujours été sourdement opposé.

Lorsque les cavaliers furent arrivés à dix pas du camp, le Loup-Cervier