Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/61

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— Rien, mi amo ! — mon maître ! — rien de bien important, répondit tio Pepito, petit homme trapu, à la face ronde, éclairée par deux yeux gais pleins de malice.

— Ceux que j’attendais ne sont-ils pas arrivés ?

— Pardonnez-moi, mi amo ! il y a une heure déjà qu’ils sont à la chacra. Ils disent qu’il faut qu’ils repartent tout de suite ; ils vous attendent avec impatience.

— Très bien ! annoncez-leur que je suis arrivé, et que dans deux ou trois secondes je serai à leurs ordres.

Le mayoral, car cet homme était le majordome de la chacra, entra sans répondre dans la maison.

Don Tadeo, qui paraissait fort bien connaître le lieu où il se trouvait, avait disparu, lui aussi, en emportant dans ses bras la jeune fille évanouie.

Les deux Français restèrent seuls avec le chacarero. Celui-ci s’avança vers eux.

— Maintenant que vous êtes, à ce que nous supposons, provisoirement du moins en sûreté, monsieur, lui dit Valentin, il ne nous reste plus qu’à prendre congé de vous.

— Non pas ! s’écria don Gregorio, il n’en sera pas ainsi, diable ! comme vous dites, vous autres Français, ajoutait-il en souriant, le hasard ne procure pas assez souvent d’amis aussi sûrs que vous autres, pour qu’on les laisse ainsi s’en aller quand une fois on les tient. Vous restez ici, s’il vous plaît ! notre connaissance ne doit pas se borner là.

— Si notre concours peut encore vous être utile, monsieur, dit noblement le comte, nous nous tenons à votre disposition.

— Merci ! dit-il d’une voix émue en leur serrant chaleureusement la main ; je n’oublierai jamais que je vous dois la vie et celle de mon ami. À quoi puis-je vous être utile ?

— Eh ! fit Valentin en riant, à rien et à tout, c’est selon, caballero !

— Expliquez-vous, reprit don Gregorio.

— Dame ! vous comprenez : nous sommes étrangers dans ce pays…

Le Chilien semblait les examiner attentivement.

— Depuis quand êtes-vous arrivés ? demanda-t-il.

— Ma foi ! à l’instant. Vous êtes les premières personnes avec lesquelles nous nous soyons trouvés en rapport.

— Bien ! fit lentement don Gregorio ; je vous ai dit que je me mettais à votre disposition, n’est-ce pas ?

— Oui, et nous vous en remercions sincèrement, bien que nous comptions n’avoir jamais besoin de vous rappeler cette offre obligeante.

— Je comprends votre délicatesse ; mais un service comme celui que vous nous avez rendu, à mon ami et à moi, lie éternellement. Ne vous occupez pas de votre fortune ; elle est faite.

— Pardon ! pardon ! fit Valentin. Nous ne nous entendons pas du tout, vous vous trompez sur notre compte ; nous ne sommes pas de ces gens qui se font payer pour avoir agi selon leur cœur ; vous ne nous devez rien.

— Je ne prétends pas vous payer, messieurs ; je veux uniquement vous