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jadis une tribu alliée des Araucans, mais qui, à présent, se gouvernent par leurs propres lois.

Les principaux chefs des Araucans sont les Toquis[1], les Apo-Ulmènes et les Ulmènes.

Il y a quatre Toquis, un pour chaque Utal-Mapus ; ils ont sous leurs ordres les Apo-Ulmènes qui, à leur tour, commandent aux Ulmènes.

Les Toquis sont indépendants entre eux, mais confédérés pour le bien public.

Les titres sont héréditaires et passent de mâles en mâles.

Les vassaux ou Mosotones sont libres ; en temps de guerre seulement ils sont assujettis au service militaire ; du reste, dans ce pays, et c’est ce qui fait sa force, tous les hommes en état de porter les armes sont soldats.

On peut comprendre ce que sont les chefs en disant que le peuple les considère comme les premiers parmi leurs égaux, aussi leur autorité est-elle assez précaire ; et si parfois certains Toquis ont voulu étendre leur autorité, le peuple jaloux de ses privilèges a toujours su les retenir dans les bornes prescrites par les anciens usages.

Une société dont les mœurs sont aussi simples, les intérêts aussi peu compliqués, qui est gouvernée par des lois sages, et dont tous les membres ont un ardent amour de liberté, est indomptable : c’est ce que les Espagnols ont maintes fois éprouvé à leurs dépens.

Après avoir, à plusieurs reprises, essayé de conquérir ce petit coin de terre isolé au milieu de leur territoire, ils ont fini par reconnaître l’inutilité de leurs efforts et se sont tacitement reconnus vaincus en renonçant à jamais à leurs projets de domination sur les Araucans, avec lesquels, en désespoir de cause, ils ont contracté des alliances, et dont ils traversent aujourd’hui pacifiquement le territoire pour se rendre de Santiago à Valdivia.

Le Carampangue, en idiome araucan, Refuge des lions, est un charmant cours d’eau, demi-torrent, demi-rivière, qui descend en bondissant du sommet inaccessible des Andes, et vient après les plus capricieux détours se perdre dans la mer à deux lieues au nord d’Arauco.

Rien n’est beau comme les rives du Carampangue, bordées de riants vallons couverts de bois, de pommiers surchargés de fruits, de riches pâturages où paissent en liberté des animaux de toutes sortes, et de hautes montagnes aux flancs verdoyants desquelles pendent, dans les positions les plus pittoresques, des grappes de cabanes, dont les murs blanchis à la chaux brillent au soleil et donnent la vie à ce paysage enchanteur.

Le jour ou recommence notre récit, par une belle matinée de juillet nommé par les Indiens Ayen-Anta, le mois du soleil, deux cavaliers suivis par un magnifique chien de Terre-Neuve blanc et noir, remontaient au grand trot le cours de la rivière, en marchant dans un sentier de bêtes fauves à peine tracé dans les hautes herbes.

Ces hommes, revêtus du costume chilien, surgissant tout à coup au milieu de cette nature sauvage et abrupte, formaient par leurs manières et leurs

  1. . Ce mot vient du verbe toquin, qui veut dire juger, commander.