Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/88

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— Oui ! mais les routes sont rudes.

— Qui sait ? fit Valentin avec un sourire, c’est peut-être le chemin du paradis ! Puis, s’adressant au chien : et toi, César que penses-tu de notre voyage, mon garçon ?

Le chien remua la queue en fixant sur son maître ses yeux pétillants d’intelligence, et en dévorant à belles dents ce que celui-ci lui abandonnait.

Mais il s’arrêta brusquement dans son opération masticatoire, releva la tête, pointa les oreilles et hurla avec fureur.

— Silence, César ! dit Valentin, pourquoi aboyez-vous ainsi ? vous savez bien que nous sommes dans un désert, et dans les déserts, il n’y a personne, que diable !

César continuait ses hurlements sans écouter son maître.

— Hum ! dit Louis, je ne partage pas ton opinion, je crois que les déserts en Amérique sont trop habités.

— Tu as peut-être raison.

— Les cris de ton chien ne sont pas naturels, nous devrions prendre certaines précautions.

— Laisse-moi faire, dit Valentin ; et s’adressant au Terre-Neuve : ah çà ! vous ne voulez pas vous taire, César, cela devient ennuyeux à la fin, voyons donc ce qui vous tourmente ainsi ? auriez-vous senti un cerf ? Caramba ! ce serait une bonne aubaine pour nous.

Il se leva et jeta un regard interrogateur autour de lui ; mais il se baissa aussitôt en saisissant son rifle, tout en faisant signe à Louis de prendre le sien, afin d’être prêt à tout événement.

— Diable ! fit-il, César avait raison et je dois convenir que je ne suis qu’un imbécile ; vois donc, Louis ?

Celui-ci dirigea les yeux du côté que son compagnon lui indiquait.

— Oh ! oh ! dit-il, qu’est ceci ?

— Hum ! je crois qu’il nous va falloir en découdre.

— À la grâce de Dieu ! répondit Louis en armant son rifle.

Dix Indiens armés en guerre et montés sur de magnifiques chevaux, étaient arrêtés à vingt-cinq pas au plus des voyageurs, sans que ceux-ci pussent comprendre comment ils étaient parvenus à s’approcher aussi près d’eux sans être découverts.

Nonobstant les efforts de Valentin, César continuait ses hurlements furieux et voulait se précipiter sur les Indiens.

Les guerriers araucans, immobiles et impassibles, n’avaient fait ni un geste ni un mouvement, mais ils considéraient les deux Français avec une attention que Valentin, assez peu patient de sa nature, commençait à trouver excessivement déplacée.