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Le Forestier, par Gustave Aimard

Cela avait été heureux pour celui-ci, et don Cristoval Bribon y Mosquito, l’honnête et pieux corregidor que l’on connait, aurait sans doute fait une singulière mine à l’exhibition des différents objets retirés tour a tour de ces mystérieux ballots.

Ils renfermaient d’abord soixante Gelin et Bracchie, fusils de boucaniers remarquables par leur longueur et la justesse de leur tir, fabriqués exclusivement à Nantes et à Dieppe par les deux armuriers dont ils portaient le nom.

Ces fusils étaient empaquetés avec soin et démontés ; puis on retira des sabres, des poignards, des coutelas, de la poudre, des balles, que sais-je encore !

Il fallait posséder l’audace de ces hardis aventuriers pour oser expédier de telles choses dans un port espagnol, bien que sous le couvert d’un des plus grands noms de la péninsule, car le hasard le plus fortuit les pouvait faire découvrir ; mais les boucaniers n’y songèrent seulement pas.

D’ailleurs, ils comptaient sur l’orgueil castillan et sur la bassesse des employés du gouvernement ; ils avaient calculé juste.

Mieux vaut dire tout de suite, afin de ne plus avoir à y revenir, que l’équipage de la caravelle et les domestiques composant la maison du soi-disant comte de Castel Moreno étaient tous des boucaniers, choisis avec un soin extrême parmi les plus hardis Frères de la Côte, de la Tortue de Léogane, de Port-de-Paix et de port Margot.

An fur et à mesure que les étranges objets dont nous avons parlé étaient retirés des ballots, on les transportait dans une chambre secrète.

Ces ballots étaient au nombre de vingt, deux seulement contenaient des habits, du linge et des bijoux & l’usage de don Fernan.

Après avoir jeté un coup d’œil sur la façon dont opéraient Michel te Basque et ses camarades et leur avoir serré la main à tous, le jeune homme entra dans son cabinet où le capitaine de la caravelle l’attendait.

— Bonjour, Vent-en-Panne.

— Bonjour, Laurent, s’écrièrent à la fois les deux hommes en tombant dans les bras l’un de l’autre.

— Nous voici donc réunis enfin t s’écria le jeune homme avec effusion.

— Ce n’est pas malheureux ! ajouta Ven-en-Panne.

— Fumons une pipe et buvons un coup en causant de nos vieux camarades.

— C’est cela l’idée est excellente ; ces diables de gavachos mangent si poivré qu’il fait toujours soif dans ce gredin de pays.

— Ce n’est pas déjà si mauvais, il me semble, répondit-il en riant.