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Le Forestier

Michel le Basque, sans compter les autres, vous ne serez pas là pour me sauver ?

— Brave cœur !

C’était vrai Nous étions là ; je n’insistai pas et je lui dis : « Fais ce que tu voudras, matelot. » Alors il siffla l’équipage sur le pont, puis, quand ils furent tous réunis, il leur conta la chose ; tu sais comme il sait les conter quand il le vent bien ; de sorte que tous voulaient le suivre et que, le diable m’emporte ! j’ai vu le moment où je serais resté seul à bord ; mais Barthélemy est un gaillard futé ; il leur fit comprendre que ça ne pouvait pas se passer ainsi et dit qu’il fallait tirer au sort. On accepta ; il choisit les premiers venus et ils s’embarquèrent en chantant. Je leur souhaitai bonne chance et je piquai dans le vent ; je tirai ainsi des bordées jusqu’à quatre heures du soir, puis je laissai arriver en plein sur le port, dans lequel je mouillai au coucher du soleil. Voilà, matelot ; es-tu content ?

— Je le crois bien.

— Tu sais, il faut tes sauver.

— Pardieu ? penses-tu que je t’ai attendu pour m’occuper de cela ?

— Non, je te connais, Laurent ; je sais que tu es un vrai Frère de la Côte.

— Merci, à ta santé

— À la tienne ! À propos, tu as besoin d’un page, tous les gentilshommes un peu relevés ont des pages.

— Après ?

— Je t’en ai amené un.

— Qui cela.

— Fil-de-Soie.

— Vrai ?

— Parole d’honneur

— Tu ne pouvais me faire une plus agréable surprise.

— Eh ! Fil-de-Soie, accoste en double ! cria Vent-en-Panne d’une voix de tonnerre.

La porte s’ouvrit et un jeune homme de quinze à seize ans, à la mine éveillée, mince, fluet, agile et déluré, parut sur le seuil, vêtu d’un charmant costume de page.

— Tu sais que tu es aux ordres de M. le comte, dit Vent-en-Panne avec dignité ? veille au grain, moussaillon, et plus vite que cela.

— Je connais le capitaine Laurent, et il me connaît, capitaine, répondit l’enfant avec un malin sourire.