— Oui, j’ai même été fort étonné de les voir là, je l’avoue.
— Tu le seras bien davantage, lorsque tu sauras que mon mari arrive
— Lui ? impossible, ma sœur, il ne m’a pas dit un mot de ce voyage.
— Parce qu’il est secret.
— Ah ! ah ! fit le jeune homme en fronçant le sourcil, et tu es sûre qu’il arrive ?
— Certaine, la personne qui m’écrit était là au moment de son départ que nul ne soupçonne ; le courrier qui m’a apporté cette nouvelle et à qui la plus grande diligence était recommandée, ne le précède que de quelques heures à peine.
— Voilà qui est sérieux, en effet, murmura le jeune homme.
— Que faire ?
— Dame ! répondit insoucieusement le jeune homme, mais en fixant un regard interrogateur sur doña Clara, le recevoir.
— Oh ! s’écria la jeune femme en se tordant les mains avec désespoir, j’ai été trahie, il vient dans un désir de vengeance.
— Se venger ! et de quoi donc, ma sœur ?
Elle lui lança un regard d’une expression étrange, et se penchant vers lui :
— Je suis perdue, mon frère, dit-elle d’une voix sourde, perdue, car cet homme sait tout et il me tuera.
Don Sancho fut malgré lui attendri par cette douleur ; il adorait sa sœur, il eut honte du rôle qu’il jouait en ce moment devant elle.
— Et moi aussi, Clara, dit-il, je sais tout.
— Toi ! toi ! oh ! tu railles, mon frère.
— Non, je ne raille pas, je t’aime et je veux te sauver, fallût-il pour cela donner ma vie ; ainsi rassure-toi et ne fixe pas sur moi tes yeux égarés par la douleur.
— Mais que sais-tu ? au nom du Ciel !
— Je sais ce que probablement un traître, ainsi que tu l’as dit, a vendu à ton mari, c’est-à-dire que tu as quitté le hatto, que tu t’es embarquée sur un bâtiment léger qui t’a conduite à l’île de Nièves, que là…
— Oh ! pas un mot de plus, mon frère, s’écria-t-elle en tombant éplorée dans ses bras, tu es bien instruit, en effet, mais je te le jure à toi, frère, au nom de ce qui existe de plus sacré au monde, bien que les apparences me condamnent, je suis innocente.
— Je le savais, ma sœur, je n’en ai jamais douté ; quelle est ton intention, attendras-tu ton mari ici ?
— Jamais ! jamais ! ne t’ai-je pas dit qu’il me tuerait ?
— Que faire alors ?
— Fuir, fuir sans retard, à l’instant.
— Mais où aller ?
— Que sais-je ! dans les mornes, dans les forêts, avec les bêtes sauvages, plutôt que de demeurer plus longtemps ici.
— Soit, partons, je sais où te conduire.
— Toi ?