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épée disparut tout entière dans la poitrine de son adversaire, puis il fit un saut dans les armes pour éviter la riposte et retomba en garde. Mais c’en était fait du jeune homme : il roula deux ou trois fois des yeux hagards, étendit les bras en lâchant son épée et tomba de toute sa hauteur sur le parquet sans prononcer une parole.

Il était mort.

— Assassin ! s’écria son frère en se précipitant l’épée à la main sur le comte.

— Traître ! répondit celui-ci en parant le coup qui lui était porté et lui liant l’épée qui sauta au plafond.

— Arrêtez ! arrêtez ! s’écria le duc en s’élançant à demi fou de douleur entre les deux hommes qui s’étaient pris à bras-le-corps et cherchaient à se poignarder réciproquement.

Mais cette tardive intervention fut inutile ; le comte, doué d’une vigueur peu commune, était facilement parvenu à se débarrasser du jeune homme et l’avait renversé sur le sol où il le maintenait le genou sur la poitrine.

Tout à coup un grand bruit d’armes et de chevaux s’éleva dans la maison et l’on entendit les pas pressés de plusieurs hommes qui escaladaient, en courant, les escaliers.

— Ah ! s’écria le duc avec une joie féroce, je crois que voilà la vengeance ; enfin !

Le comte, sans daigner répondre à son ennemi, se tourna vers les matelots.

— Partez, les gars ! leur cria-t-il d’une voix tonnante.

Ceux-ci hésitèrent.

— Partez donc, si vous voulez me sauver, ajouta-t-il.

En chasse ! hurla Michel en entraînant son compagnon, et les deux hommes, saisissant leurs carabines par le canon, pour s’en servir en guise de massue en cas de besoin et s’ouvrir un passage, s’élancèrent dans les corridors où ils disparurent.

Le comte prêta anxieusement l’oreille : il entendit des jurons, le bruit d’une lutte acharnée ; puis, au bout d’un instant, un cri lointain, cri d’appel que les marins connaissent si bien, arriva jusqu’à lui.

Alors son visage se rasséréna, il remit son épée au fourreau et attendit froidement les nouveaux venus, en murmurant à part lui :

— Ils sont sauvés ! Il me reste un espoir.


III

L’ARRESTATION

Presque aussitôt dix ou douze hommes firent irruption dans la chambre plutôt qu’ils n’y entrèrent ; le bruit qui continuait au dehors laissait deviner qu’un grand nombre d’autres se tenaient sur les escaliers et dans les corridors, prêts, si besoin était, à venir en aide aux premiers.