Page:Aimard - Les Aventuriers, 1891.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il signa.

— Maintenant, monsieur, dit-il, puisque je suis libre, car je suis bien libre, n’est-ce pas ?

— Libre comme l’oiseau, monsieur le comte.

— Alors je puis me retirer ; je ne sais pourquoi, mais il me semble depuis un instant que ces sombres et épaisses murailles m’étouffent, je ne respirerai à mon aise que lorsque je me sentirai en plein air.

— Je comprends cela, monsieur, j’ai tout préparé, nous nous embarquerons quand vous voudrez.

— Nous ? fit le comte avec surprise.

— Oui, monsieur le comte, je vous accompagne.

— Ah ! et pour quelle raison, s’il vous plaît ?

— Pour vous faire honneur, monsieur, pas pour autre chose.

— Soit, dit-il d’un air soucieux ; partons donc, monsieur, mais j’ai quelques nippes.

— Elles sont déjà embarquées ; venez, monsieur.

Le major se chargea de sa valise et de sa cassette et sortit suivi du comte.

— Quand je vous disais que vous auriez besoin de votre manteau, dit la Grenade à M. de Barmont en le saluant au passage ; bon voyage, monsieur, et bonne chance !

Ils descendirent au rivage. Pendant ce trajet, qui cependant n’était pas fort long, le front du comte se rembrunit encore ; il lui sembla apercevoir une certaine tristesse sur les traits des soldats et des officiers qui le regardaient partir, ils chuchotaient entre eux en le désignant du doigt d’une façon qui n’avait rien de rassurant pour le comte et qui commençait à lui donner fort à penser.

Parfois il jetait à la dérobée un regard sur le major ; celui-ci paraissait calme, son visage était souriant.

Ils atteignirent enfin l’embarcation, le major s’effaça pour laisser passer le comte et ne monta qu’après lui dans le canot.

Dès que tous deux furent à bord, l’embarcation déborda et s’éloigna à force de rames.

Pendant toute la traversée de la plage au lougre, le comte et le major gardèrent le silence.

Enfin ils rangèrent à tribord le petit navire, une corde leur fut jetée et ils montèrent.

Le canot fut immédiatement hissé sur les pistolets, les voiles orientées et le lougre s’élança au plus près du vent.

— Ah ! s’écria le comte en apercevant Michel, te voilà, je suis sauvé !

— Je l’espère bien ainsi, répondit joyeusement celui-ci ; mais venez, monsieur le comte, nous avons à causer.

Ils descendirent dans la chambre, suivis par le major.

— Là, maintenant nous pouvons parler ; capitaine, il s’agit de régler nos comptes.

— Nos comptes ? fit avec surprise M. de Barmont.