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Page:Aimard - Les Bohèmes de la mer, 1891.djvu/101

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Cependant, après des recherches qui ne durèrent pas moins de vingt minutes, ils parvinrent à retrouver l’espèce de sente par laquelle ils s’étaient, à leur arrivée, hissés jusque sur la plate-forme du rocher.

La descente continua ; il leur fallut près d’une heure pour atteindre la plaine. Après avoir repris haleine pendant deux ou trois minutes, ils se glissèrent dans les hautes herbes et arrivèrent enfin au bord de la mer, c’est-à-dire au pied des rochers qui, de ce côté, formaient comme une infranchissable muraille autour de l’île.

Les aventuriers recommencèrent donc à gravir ces rochers. Parvenus au quart de leur hauteur, à peu près, une espèce de fissure se présenta devant eux, fissure à peine assez large pour livrer passage à un homme.

Arrivé là, Philippe s’arrêta.

— Un mot, chevalier, dit-il.

— Parlez, répondit celui-ci.

— Vous savez où est la pirogue ?

— Je le sais.

— Reconnaîtrez-vous l’endroit où nous sommes ?

— Je le reconnaîtrai.

— Vous allez partir.

— Seul ?

— Seul.

— Et vous ?

— Je reste ainsi que Pitrians. Vous rendrez compte de notre expédition au conseil ; dans quarante-huit heures, pas avant ; vous me comprenez bien, n’est-ce pas ? Nos frères s’embarqueront, et vous les conduirez ici.

— Je les conduirai.

— Vous n’aborderez que lorsque vous aurez vu brûler deux amorces sur la plage.

— Bon ; après ?

— J’aurai, aidé par Pitrians, tracé un chemin assez large pour livrer passage à nos frères.

— Mais si l’on vous découvre et qu’on vous tue ?

— Alors, à la grâce de Dieu ! répondit-il simplement.

— Monsieur, dit le chevalier en lui tendant la main, il sera fait ainsi que vous le désirez ; je regrette la rivalité qui nous sépare ; mais si je ne puis vous aimer, je vous admire.

— Adieu, et dans quarante-huit heures.

— Dans quarante-huit heures, répondit le chevalier, et il disparut.

— De cette façon, quoi qu’il arrive, murmura Philippe, je suis certain que ma bien-aimée Juana sera partie, et par conséquent hors de danger.

Pitrans, dont Philippe avait si légèrement disposé, sans même lui demander son consentement, ne paraissait nullement étonné de cette façon d’agir de son ancien maître.

— Qu’allons-nous faire à présent ? lui demanda-t-il.

— Dormir, répondit Philippe en s’accommodant du mieux qu’il lui fut possible au milieu des rochers.